Le 19 août 2006, le Probo Koala, tanker immatriculé au Panama et affrété par la société Trafigura, troisième négociant pétrolier de la planète, enregistrée aux Pays-Bas, accoste sur un quai d’Abidjan pour y débarquer 528 m3 d’un mélange de déchets chimiques mystérieux et nauséabonds. Quelques heures plus tard, les 500 tonnes de produits toxiques sont épandues dans une décharge de la capitale ivoirienne. Assassines, leurs émanations sèmeront la mort dans la population locale. Selon la justice ivoirienne, 17 personnes succomberont des suites de l’intoxication, qui en affectera des milliers d’autres. Bernard Dussol, grand reporter à Thalassa, et Charlotte Nithart, experte environnementale et directrice de l’association Robin des bois, ont remonté le fil de cette affaire. Au terme d’une enquête minutieuse menée pendant trois ans et publiée en mai sous le titre le Cargo de la honte, l’effroyable odyssée du Probo Koala, les auteurs mettent à nu un système où se mêlent appât du gain, corruption, incompétences, embrouilles, laxisme politique et désinformation. « Un tanker à la coque bleue, des marins ukrainiens, des ports, des systèmes politiques, des hôpitaux pris d’assaut, des foules en colère, des explosions en cascade, la démission d’un gouvernement, l’errance des institutions internationales  : l’histoire de ce navire s’accélère, dérape et rebondit dans le monde entier », résument les auteurs en avant-propos. Certains apprécieront, d’autres pas, leur choix de raconter cette histoire « comme un thriller ». Quoi qu’il en soit, alors que s’est ouvert mardi, à Amsterdam, le premier procès impliquant la société Trafigura, le décryptage de ce scandale à l’origine d’une crise sanitaire et politique sans précédent en Côte d’Ivoire, s’avère exemplaire, qui révèle, in fine, comment certaines compagnies transforment le tiers-monde en poubelle, pour en tirer d’incroyables profits.

Marie-Noëlle Bertrand

Le Cargo de la honte. L’effroyable odyssée du Probo Koala. 
Éditions Stock, 18,50 euros.