Il Manifesto

Éducation politique

« Ni de droite ni de gauche ». Depuis longtemps on a appris à se méfier de cette expression, utilisée sans retenue à droite comme à gauche.

En effet, c’est grâce à cette prétendue objectivité indiscutable, divinement inspirée par un soi-disant « intérêt général » que des contenus de nature répressive et de restauration ont été imposés : un contrôle étouffant sur nos vies privées, la sécurité réduite à ordre publique, la répression des comportements des jeunes, la discrimination vis-à-vis des émigrés.

Il s’avère qu’aujourd’hui l’imposant mouvement des étudiants, des enseignants et des citoyens qui a investi le pays depuis des semaines utilise cette expression pour se décrire soi-même. Mais le sens de l’expression est renversé. Cette nouveauté est à l’origine de la crise de nerfs de Berlusconi et de son gouvernement.

Ce n’est pas un hasard s’ils ont essayé de cantonner cette grosse vague à l’extrême gauche (mais, en effet, qu’est-ce que c’est que l’extrême gauche ?) et à l’univers des centres sociaux. Le conflit « ni de droite ni de gauche » qui a investi écoles, universités et la rue de toute l’Italie est en train de se tourner en cauchemar pour la majorité au gouvernement comme pour les ombres de l’opposition parlementaire.

Derrière cette expression, jusqu’à maintenant très appréciée par les modérés de tous bords, se manifestent des contenus de liberté : contre la délégation du pouvoir à l’autorité, pour l’autodétermination du monde de l’éducation, pour étendre les droits démocratiques et contre leur réduction sécuritaire, pour le bouleversement des priorités de la représentation parlementaire.

Il s’agit d’un mouvement très politique (il ya-t-il d’ailleurs de mouvements qui ne le sont pas ?). Il ne s’agit pas d’une expression de « malaise » qui attend seulement d’être récupérée par quelqu’un et traduite en programme, mais on est face à un parcours d’autonomie qui veut s’auto-construire, qui n’opère pas an dessous de la dimension politique (d’en bas), mais à la même hauteur.

Et comment les étudiants et les élèves pourraient-ils faire référence à une gauche qui dans le temps, intégrant l’idéologie de l’entreprise ou cultivant des nostalgies étatistes, a contribué à démanteler écoles et universités, désormais plongées dans une misère culturelle, où n’importe quelle socialité de la vie étudiante est tombée dans un état de dévastation ?

Les maints bobards qui ont accompagné pendant des années les « réformes » auto-proclamées (en effet, un alignement sur le marché du travail, l’ouverture aux investissements privés, les promesses d’amélioration des services et des structures, les vertus du 3 + 2) se sont effondrés. Pour rien dire du sabir bancaire (crédits, dettes) intégré par le système de formation, réduit au triste langage de la banqueroute.

Se percevant comme « ni de droite ni de gauche », le mouvement manifeste une volonté de rupture avec cette histoire passée, un refus de s’accrocher à des identités préformées et de se plier aux modèles politiques du passé. Mais on ne démarre pas de nulle part, d’une spontanéité naïve.

On a un lourd patrimoine d’analyses, de réflexions, de pratiques politiques qui, dans les dernières années, ont démantelé pas après pas l’application de la pauvre logique des coûts et ds bénéfices au monde de l’éducation comme à la production et à la transmission des savoirs. Et puis il y a le vécu de la « misère de la vie étudiante » dans l’université reformée.

Il arrive alors que quelques-uns, au prétexte de l’absence de drapeaux rouges, pensent que l’heure est venue pour faire flotter des drapeaux noirs. Il arrive même (comme s’est passé à Rome avec l’extrême droite mardi 28 octobre) qu’un groupe organisé arrive à prendre la tête d’un gros défilé. Mais où le discours rationnel du mouvement se développe, là l’idéologie de droite reculera. La différence des langages, des pratiques, de buts, ne tardera pas à se manifester, au de là des apparences.

Néanmoins, un risque guette, bien que vieux et usé. Que le pouvoir joue la carte des « extrêmes » opposées, des factions en lutte. Et c’est là que les groupes de la droite organisée peuvent conforter le gouvernement et déclencher la répression. Il faudra être vigilant.

Marco Bascetta dans « il manifesto » du mercredi 29 octobre 2008
Traduction : Ana-maria Merlo

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