S’il s’était tenu à Dallas, au Texas, sans doute aurait-on parlé pétrole. Mais l’atelier de la gauche sur la gestion des ressources naturelles était organisé à Bordeaux, capitale de l’Aquitaine, et la matière qui s’imposait lundi soir, c’est le bois. Le bois qui, jusqu’à l’an dernier, constituait une manne pour la région. 34 000 emplois découlaient de l’activité sylvicole. Avec ses 800 000 hectares de pins maritimes et de peupliers, la forêt landaise dégageait 8 millions de mètres cubes par an, soit 25 % de la récolte française. En une nuit, les vents ont mis à terre 37 millions de mètres cubes, soit plus de quatre années de travail.

Depuis ce 24 janvier 2009 et les ravages causés par la tempête Klaus, la région panse et repense ses plaies, prête à remettre en cause son mode de production. Faut-il tout replanter, à quelle fin et avec quelles essences ? Comment gérer les risques naturels ? Qui, au final, doit avoir la maîtrise du chantier ? L’histoire pourrait sembler anecdotique, en tout cas très locale. Elle illustre pourtant les questionnements qui ourlent les problématiques de ges tion des ressources naturelles et sur lesquelles ont planché les participants au débat, qui comptaient, dans la salle ou à la tribune, des représentants du PCF, du PS, du Parti de la gauche ou encore de la Gauche unitaire. « Dans les dix ans à venir, deux questions vont devenir majeures, notait, à la tribune, Raymond Girardi, secrétaire général du Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux). Celles de l’alimentation et de l’environnement.  »

Que sait-on de l’avenir ? Quasi rien, si ce n’est que les énergies fossiles s’épuisent et que la terre se réchauffe. Si ce n’est, aussi, que la population mondiale augmente et devrait friser les 9 milliards d’humains d’ici 2050, soit 2,4 milliards de plus qu’aujourd’hui. Il va falloir nourrir, donc produire. Il va falloir préserver, aussi, et s’adapter aux changements climatiques déjà perceptibles. Les impasses techniques demeurent, et les intervenants ont souligné les enjeux de la recherche dans ce domaine. Ils ont surtout pointé la nécessité de transformer un système qui, aujourd’hui, consume les hommes autant que la nature, quand la spéculation qui s’opère sur les denrées alimentaires ou sur les énergies menace la souveraineté des peuples.

Si les discussions n’ont pas vraiment permis de mettre au jour les questions qui divisent, aujourd’hui, les forces de gauche (par exemple celles relatives à une fiscalité verte), elles auront néanmoins pointé les idées convergentes, à commencer par celle de changer les modes de gouvernance. « Pour permettre à l’Afrique de faire face aux enjeux alimentaires, il faut d’abord laisser la démocratie s’y installer », notait un intervenant franco-camerounais. « Il faut reposer la question de la propriété publique des ressources naturelles, qu’il s’agisse de l’eau, de la forêt, ou des énergies renouvelables », soulignait pour sa part Puria Amirshai, représentant du Parti socialiste, évoquant le principe de consortiums publics établis à l’échelle mondiale. Xavier Compain, pour le Parti communiste, rappelait une revendication d’évidence (sortir l’alimentation de l’OMC) et avançait plusieurs pistes de travail. Celle, par exemple, de conditionner les aides publiques aux entreprises agroalimentaires à des contraintes socioenvironnementales strictes. Et sans dérogation possible.

MARIE-NOËLLE BERTRAND

Notre dossier La gauche en débat