Disiz La Peste prend le large
VIDÉOS. Le rappeur d'Évry revient avec Pacifique, un onzième album qui navigue entre rap et électro. Il en interprète deux extraits : "L.U.T.T.E" et "Splash".
« Longtemps que ta vie fait du sur-place », rappe Disiz La Peste en ouverture de son nouvel album Pacifique. Cela n'est pourtant pas dire son cas ! À 39 ans, Sérigne M'Baye Gueye a eu autant de vies que de noms. Depuis Poisson Rouge, son premier album (qui contenait le tube « J'pète les plombs »), sorti en 2000 sous le pseudonyme de Disiz La Peste, il a sorti un album influencé par ses origines sénégalaises en tant que Serigne M'Baye, abandonné le rap en signant juste Disiz, tenté le rock comme Disiz Peter Punk, avant de ressusciter Disiz La Peste et de revenir au rap. En 2005, il a joué le rôle d'un rappeur qui a du mal à percer dans Dans tes rêves, un film écrit par Oxmo Puccino.
Puis il a glissé un pied dans la politique en donnant un concert à un meeting Ségolène Royal en 2007 (il a regretté, ayant l'impression d'être instrumentalisé pour gagner des voix dans les quartiers). Il a aussi publié deux romans : Les Derniers de la rue Ponty en 2009 et René en 2012. Joué dans une pièce de Manuel Piolat Soleymat & Razerka Ben Sadia-Lavant : Les Amours vulnérables de Desdémone et Othello en 2013… « Il vaut mieux qu'il n'y ait que des virages dans ma carrière : sinon je tournerais en rond ! », estime Disiz, les yeux cachés derrière ses lunettes aux verres dorés. « Dans ma chanson "Splash", je dis : je n'en peux plus de ces codes, je n'en peux plus de ces cases, je n'en peux plus de ces dogmes, je n'en peux plus de ces castes, parce qu'il y a un truc que je déplore dans ce pays, c'est qu'on est censés être une communauté derrière l'enseigne de la liberté, l'égalité et la fraternité, et pourtant, j'ai l'impression qu'il y a un communautarisme latent, qu'on retrouve même dans la musique. Par exemple un rappeur a un certain cahier des charges et un rockeur un autre… Pour moi, ça n'a pas de sens. J'ai des émotions à communiquer, parfois par l'électro, parfois par le rap, parfois par un roman… »
Aujourd'hui, ce Belgo-Sénégalo-Français rassemble ses multiples personnalités dans le nouvel album électro-rap Pacifique* engagé dans lequel on croise aussi bien le fantôme d'Aylan Kurdi, l'enfant syrien échoué sur la plage, que Stromae (qui a produit la chanson « Splash », bien partie pour être le tube de l'été). « Il y a 13 ans, je suis parti en Belgique travailler avec les producteurs Street Fabulous pour mon deuxième album Jeu de société. Ils m'ont parlé d'un petit jeune qui voulait que je lui donne mon avis sur sa musique. J'ai trouvé ses productions vraiment bien donc je l'ai appelé pour l'encourager. Cinq ans après, il est tombé dans la potion magique, ça a cartonné. C'était Stromae. Cette année, en janvier, il m'a appelé pour me féliciter pour mon morceau "Autre Espèce". Je lui ai proposé de faire un morceau ensemble. Il m'a répondu oui, et on a tout de suite été en studio, où il a fait les instrumentations de "Splash" et "Compliqué" », raconte-t-il.
« Je suis vraiment très très fier de cet album. Il a été difficile à réaliser mais je n'ai pas lâché le steak et j'ai été jusqu'au bout de mes idées. Les vingt morceaux de Pacifique sont un va-et-vient d'émotions, telles des vagues sur le sable. Au départ, j'avais même quarante morceaux ! Alors j'ai réservé l'Olympia une matinée, et je les ai écoutées tout seul, sur la scène, en faisant de la corde à sauter et de la boxe anglaise. Puis je me suis assis, en paix, pacifique… C'est comme ça que le titre m'est apparu », nous dit-il. En ce moment, il lit le manga Akira et écoute Marvin Gaye, The Japanese House et Kendrick Lamar. Les yeux tournés vers l'horizon.
*Pacifique (Polydor/Universal). En concert le 6 décembre 2017 à l'Olympia.
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