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Commission géologique du Canada

Les vies anciennes : chroniques de paléontologie canadienne
La mémoire de Tyndall
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Dans La mémoire des pierres, l'écrivaine canadienne-anglaise Carol Shields décrit la pierre de Tyndall : « Une vraie tapisserie de pierre, de l'avis de certaines personnes qui font particulièrement cas des fossiles qu'on y trouve au petit bonheur : gastéropodes, brachiopodes, trilobites, coraux et escargots. Quand la chair des animaux autrefois vivants eut fini de pourrir, leurs coquilles s'emplirent d'une boue crayeuse qui a peu à peu acquis la dure consistance de la pierre. » (trad. Oristelle Bonis)

Dalle de calcaire dolomitique extraite de la carrière Garson à Tyndall, au nord de Winnipeg. Sur cette pierre qui remonte à l'Ordovicien supérieur, on peut voir un grand Receptaculites (attribué à une algue calcaire) et   les bigarrures laissées par les tunnels fossilisés, les Thalassinoides. (Photographie par Brian Chatterton.)

Dalle de calcaire dolomitique extraite de la carrière Garson à Tyndall, au nord de Winnipeg. Sur cette pierre qui remonte à l'Ordovicien supérieur, on peut voir un grand Receptaculites (attribué à une algue calcaire) et les bigarrures laissées par les tunnels fossilisés, les Thalassinoides.
(Photographie par Brian Chatterton.)

Érigé au nord-est de Winnipeg, le petit village de Garson se vante d'être la capitale du calcaire de l'Amérique du Nord. Ce n'est pas une vaine gloriole. En effet, le calcaire dolomitique vieux de quatre cent cinquante millions d'années (donc de l'Ordovicien supérieur), extrait à Garson est la pierre à bâtir la plus utilisée au Canada. Elle a servi à l'érection du Parlement fédéral, des anciens magasins Eaton, du Musée canadien des civilisations, et de grands hôtels canadiens, comme le Château Frontenac à Québec ou l'hôtel Empress de Victoria. 

La pierre de Tyndall conserve deux grands types de fossiles : (1) des corps fossilisés, soient les restes calcifiés des coquilles de nombreux animaux marins et de plantes qui sont éparpillés dans la pierre, comme les fruits dans un pain aux raisins, et (2) des ichnofossiles laissés par des réseaux de tunnels fossiles s'étendant dans la masse de la pierre.

Les corps fossilisés sont des coquilles distribuées au hasard à la surface de la pierre de Tyndall. Les brachiopodes et les trilobites sont présents, mais leur identification est difficile. Il est par contre plus facile de distinguer les petits corallites rugueux (coraux isolés) grâce à leur coquille épaisse aux cloisons (septes) typiques. Les moules internes des grands mollusques comme les gastéropodes et les céphalopodes ont été conservés. Les fossiles les plus frappants sont les monticules de tabulés (coraux coloniaux) et de stromatoporidés. Les fossiles de Tyndall les plus gros et les plus mystérieux, sont les « coraux-tournesols » qui forment des colonies circulaires de la taille d'un ballon de basketball. Ces Receptaculites auraient été formés par des algues calcaires maintenant disparues.

Bien que les fossiles coquilliers de la pierre de Tyndall soient fascinants, ce sont les ichnofossiles qui font de ce calcaire une pierre recherchée. Les ichnofossiles se manifestent par des bigarrures. Les surfaces bigarrées ne sont qu'une coupe, au hasard, dans un réseau de tunnels ramifiés s'étendant dans le roc dans les trois dimensions. Les paléoichnologues – les paléontologues s'intéressant aux ichnofossiles – connaissent bien ces tunnels ramifiés aux directions changeantes qui s'étendent jusqu'à un mètre sous la surface. Ils les appellent Thalassinoïdes. Depuis le Crétacé, des crustacés décapodes (ressemblant à la crevette upogébie) creusent ces terriers pour les habiter ou se nourrir. Or, il est très improbable qu'une upogébie ou un autre crustacé aient pu creuser ces tunnels profonds pendant l'Ordovicien (il y quatre cent cinquante millions d'années), puisque les fossiles de ces arthropodes ne s'étendent pas au-delà du Jurassique (il y a cent cinquante millions d'années). Qui les a donc creusés ? Nous n'avons jamais trouvé le moindre corps fossilisé dans les tunnels ou près de ceux-ci. On pourrait être tenté de répondre « des vers », toutefois  l'explication de pistes dans des sédiments par des « vers » est plus symptomatique de l'ignorance des paléontologues qu'une identification réelle. Nous ne savons tout simplement pas quel animal a laissé ces terriers profonds et donc dessiné les bigarrures de la pierre de Tyndall.

Œuvre citée  :

Shield, Carol.
1993, 1995  La mémoire des pierres, traduction de The Stone Diaries, par Oristelle Bonis, Flammarion ltée, 355 p. ISBN 2-89077-139-3


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