Tehelka

Une nouvelle loi livre l’éducation aux règles du marché

Depuis 1993, les gouvernements successifs ont tenté de minimiser l’impact du "jugement Unnikrishnan" et de dénaturer la signification de ce droit fondamental à l’éducation.

Aujourd’hui, si un parent d’élève saisit la justice pour demander un ratio d’un professeur pour 30 élèves au lieu de 40 ou bien s’il réclame davantage de professeurs dans des disciplines telles que la musique ou le sport, les juges, après avoir étudié la situation, sont susceptibles de lui donner raison.

Cela a été rendu possible grâce au jugement historique Unnikrishnana rendu par la Cour Suprême, en 1993. La Cour stipule que le droit fondamental à la vie (article 21 de la Constitution) doit être lu « en harmonie » avec la directive de l’article 45 afin de fournir une éducation gratuite et obligatoire à tous les enfants entre 0 et 14 ans. Ainsi, l’éducation gratuite et égalitaire devient un droit fondamental.

Ce système sera démantelé une fois le projet de loi 2008 « Droit à l’éducation » voté. Le gouvernement, qui devait présenter la loi à la session budgétaire dernière, a finalement reculé l’échéance. Paradoxalement, ce retard peut être considéré comme une bénédiction.

Le jugement Unnikrishnan a de quoi donner des sueurs froides à l’élite au pouvoir. Il implique en effet que le gouvernement alloue le budget en direction des populations les moins favorisées en priorité. Le plus effrayant pour l’élite a été l’impact politique indirect de ce droit à l’éducation de qualité pour l’ensemble de la population : les plus défavorisés allaient être capable de se mesurer aux classes privilégiées et de réclamer leur place dans la vie économique et démocratique du pays.

Depuis 1993, les gouvernements successifs ont tenté de minimiser l’impact du jugement Unnikrishnan et de dénaturer la signification de ce droit fondamental à l’éducation. En 2002, le 86e amendement ajoute un nouvel article (21A) qui limite l’éducation obligatoire à la tranche d’âge 6-14, dépossédant ainsi 170 000 enfants en dessous de six ans de leur droit à la santé, l’alimentation et l’éducation. L’article indique ensuite que l’éducation obligatoire doit être délivrée selon une législation déterminée par chaque état d’Inde. Ce qui peut permettre à l’Etat de limiter l’éducation des 6-14.

Le problème du droit à l’éducation est lié au système de l’école publique organisé selon le principe des « écoles de quartier ». En 1966, la commission Kothari a affirmé que ce système était nécessaire pour construire une société socialement solidaire. Tous les enfants, dans un quartier donné, venant de différents milieux sociaux, doivent pouvoir étudier ensemble dans un espace public commun. Ce principe est celui du système éducatif des pays du G8 comme les Etats-Unis, le Canada, la France, l’Allemagne ou le Japon.

N’est-ce pas absurde d’aller jusqu’à penser un “droit” à une éducation inégalitaire et médiocre ? C’est déjà ce qui est mis en place à travers l’actuel système éducatif à plusieurs niveaux. Le projet de loi légitime les écoles qui promeuvent les inégalités, comme les écoles gouvernementales d’élite et les écoles privées.

L’objectif de réserver 25% des places dans ces écoles pour une éducation prétendument « gratuite » à l’intention des plus défavorisés du quartier en est une illustration. Pour les 75% restant, le principe d’école de quartier et le droit fondamental à une éducation gratuite ne sont pas respectés. En encourageant le glissement des financements publics vers les écoles privées, le projet de loi devient un instrument des forces du marché.

Le premier ministre a réuni une commission comprenant le ministre des finances, le député président de la commission, le président du comité de conseil économique au premier ministre et le ministre du développement des ressources humaines. La commission a conclu que le gouvernement fédéral manquait de moyens pour mettre en place la loi, reléguant la responsabilité aux Etats de la fédération indienne. Une décision qui ajoute encore aux concessions faites face aux pressions néo-libérales : l’Etat capitule face à ses responsabilités constitutionnelles.

Une campagne a été lancée pour remplacer le 86e amendement par un amendement qui donnerait un droit fondamental et autonome aux enfants, de la naissance à l’âge de 18 ans, englobant les soins petite enfance et l’éducation de la maternelle à la classe 12 (équivalent de la terminale).

La loi sur le droit à l’éducation pourrait alors être basée sur une vision de transformation globale pour l’égalité, dans et part l’éducation, plutôt que de s’ajuster aux diktats du néo-libéralisme. Cela permettrait la création d’un système éducatif unifié et harmonisé afin de forger un sentiment de citoyenneté partagée pour une société démocratique, égalitaire et séculaire.

ANIL SADGOPAL
Tehelka. 14 juin 2008
Traduction : Naïké Desquesnes

PUBLICITé -

LE FIL ROUGE



VidéosLe premier congrès de la SFIO en 1944

INTERACTIF -

espace privé accueil LIENS Contacts Annonceurs AIDE Mentions légales Crédits RSS Plan du site