Brasil De Fato

Une étude analyse la sous-traitance

Au Brésil, un quart des nouveaux emplois sont générés par des sous-traitants pour un salaire inférieur de moitié.

Une étude intitulée « La super-sous-traitance des contrats de travail », réalisée par l’économiste de l’Université de l’Etat de Campinas ( Unicamp ), actuel Président de l’Institut de Recherche Economique Appliquée ( IPEA ), Màrcio Pochmann, ne laisse aucun doute sur les impacts induits par le recours croissant aux sous-traitants sur la main d’œuvre dans notre pays. Ainsi que nous pouvons le vérifier à l’heure actuelle, ce choix ne fait qu’accentuer la situation de précarisation des conditions de travail.

Cette étude, effectuée à la demande du Syndicat des Employés des entreprises de Prestations de Service, placement et administration de main d’œuvre, travail temporaire de l’Etat de São-Paulo (SINDEEPRES), a été officiellement présentée le 12 février dernier lors du 1er « Séminaire International SINDEEPRES – Sous-traitance globale » qui s’est tenu à São-Paulo en présence de nombreux dirigeants d’entreprise, élus, responsables institutionnels, et dirigeants syndicaux et patronaux.

Dans ce rapport, POCHMANN fournit nombre de statistiques et de données sur la situation dans l’Etat de São-Paulo – déjà l’objet d’un de ses précédents travaux de recherche – et les compare avec des éléments nouveaux sur ce processus de sous-traitance de la main d’œuvre dans 145 autres pays. Avec cette approche, l’étude vise à analyser ce processus en tant que phénomène de la globalisation et résultant de nouvelles exigences du mode de production capitaliste à l’étape actuelle.

Historique

Le premier pays à développer le recours à la sous-traitance a été le Japon qui, face à la crise dont souffrait le modèle fordiste de production dans les années 70, a créé ce que l’on a appelé le « toyotisme ». Dans le système industriel japonais, il a entraîné une forte hausse de la productivité. En 1980 par exemple, Toyota produisait 69 véhicules par travailleur tandis que General Motors n’en produisait que 9, souligne l’étude.

Comment ce constructeur automobile a pu obtenir ce résultat ? Par le recours à la sous-traitance ! « Toyota disposait d’un réseau de 150 sous-traitants associés correspondant à des travailleurs sous contrat mais non-embauchés » précise POCHMANN. Ainsi « le recours à la sous-traitance a entraîné de plus grands investissements non plus guidés par la baisse des coûts mais de plus en plus par la maximisation des profits, puisque la sous-traitance permettait la socialisation des risques de production entre « partenaires » ».

Dans les pays développés, au long des dernières décennies, les travailleurs ont su faire pression sur les pouvoirs publics afin de mettre en place une législation pour la protection des salariés travaillant pour des sous-traitants. L’objectif était d’éviter un accroissement de la précarité ainsi qu’abaissement du niveau de rémunération par un usage excessif de ce type de main d’œuvre.

Dans un entretien accordé au journal « Brasil de Fato », POCHMANN rappelle que dans des pays comme l’Italie et l’Allemagne, « la législation précise de façon simple que le salarié « sous-traité » ne peut pas être rémunéré moins que pour un poste équivalent au sein de l’entreprise commanditaire. »

La situation nationale

Pour ce qui concerne le Brésil, bien que le recours à la sous-traitance se soit fortement développé dans les années 90, la situation de la main d’œuvre « sous-traitée » ne fait l’objet d’aucune législation. S’agissant d’une économie périphérique dans un monde globalisé, la sous-traitance au Brésil ne relève pas tant de la recherche d’une augmentation de la productivité, mais plutôt « d’un processus de restructuration défensive de la production, plus marquée par une volonté de baisse des coûts de production dans le cadre de stratégies de résistance ou « survie » de la part des entreprises ». C’est pour cela qu’une des conséquences majeures du développement de la sous-traitance dans les pays en voie de développement est la précarisation des conditions de travail.

Le modèle utilisé est celui de la flexibilité du travail à la mode asiatique : De longues journées de travail, des bas salaires et un turn-over élevé, c’est-à-dire des caractéristiques qui s’inscrivent à contre-courant non seulement des conquêtes sociales du 20ème siècle mais aussi des espérances de progrès social pour le 21ème siècle : réduction du temps de travail, meilleure rémunération et stabilité de l’emploi.

Au Brésil, « le salarié « sous-traité » est payé moitié moins qu’un travailleur non « sous-traité » souligne POCHMANN. Pour inverser cette tendance, l’accent doit être mis sur l’élaboration d’une législation publique réglementant le recours à la sous-traitance. « Je pense que la sous-traitance représente un impératif économique et qu’elle est là pour durer. Ce qui rend impératif une législation qui empêche que le coût du travail ne soit qu’un argument de compétition entre les entreprises mais d’abord un outil pour des gains de productivité » avance l’économiste. C’est l’accroissement de la sous-traitance précaire qu’il faut combattre.

Sous-traitance

L’étude se penche aussi sur un nouveau type de sous-traitance pas encore assez analysée bien que très courante. « Nous nous trouvons dans une nouvelle phase de la sous-traitance qui se développe au-delà des frontières de chaque pays. Cette nouvelle étape amène l’apparition de quatre grands groupes de travailleurs :  ceux qui montent les produits – les monteurs  ceux qui conditionnent les produits et les distribuent – les conditionneurs  ceux qui interviennent dans activités de support (nettoyage, conservation, relation clientèle, etc.)  ceux qui travaillent dans le domaine du juridique, de la comptabilité et de la consultance

Ces quatre groupes s’intègrent dans un phénomène de sous-traitance transnationale, puisque ces travailleurs peuvent être amenés intervenir pour n’importe quelle entreprise dans n’importe quel pays. » précise-t-il.

« Dans ce contexte, la Chine devient « l’usine mondiale » pendant que l’Inde se spécialise dans la fourniture de services en étant elle « le bureau mondial ». Le Brésil lui s’oriente vers des activités primaires comme la production agricole et les ateliers de production, » poursuit-il.

C’est pourquoi les entreprises transnationales privilégient le recours à la sous-traitance dans les pays pauvres. « Si l’on compare la rémunération d’un salarié anglais avec son homologue indien, un agent de centre d’appels par exemple, le salarié indien ne touchera que 14% de ce que percevra l’anglais ; pour un ingénieur informaticien, 16 % ! Ce type de sous-traitance tire inévitablement les salaires vers le bas. »

Pour Pochmann, la réflexion sur le phénomène de la sous-traitance débouche sur la nécessité d’une gouvernance mondiale en raison de l’énorme déséquilibre existant entre le pouvoir des grandes multinationales et celui des Etats-Nations.

Dafne MELO
Traduction Pedro Da Nóbrega

L’étude peut être consultée sur : http://www.sindeepres.com.br/pt/estudos

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