Envoyer Imprimer Réagir Société - Article paru
le 6 novembre 1999
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Enquête

les vacances en " timeshare " commencent à soulever des interrogations sur leurs méthodes de vente.

Mode de consommation venu des États-Unis,

Propriétaires à temps partiel pour vacances virtuelles

Ça a le goût des vacances au soleil, l’odeur du paradis et les couleurs du rêve, mais le réveil est plutôt rude. Charges annuelles qui explosent et méthodes de ventes contestables, pour plusieurs centaines de familles en France, l’expérience du timeshare vire à la galère.

Une semaine gratuite au soleil, difficile de refuser n’est-ce pas ? C’est ce que pense M. B, en ce beau jour de mars 1994 dans l’avion qui l’emmène avec sa compagne vers les rivages ensoleillés des Canaries. Trois mois plus tôt, il a gagné une semaine gratuite dans une résidence hôtelière de luxe à Lanzarote. Oh, bien sûr, il y a une petite contrepartie. Il devra assister à une séance d’information sur le timeshare. Tout cela M. B le sait bien, mais qu’importe, une semaine au paradis des touristes vaut bien quelques sacrifices. D’autant que le site, le Lanzarote beach club, où sont logés M. B et sa compagne a de quoi faire rêver. Pensez, une mer bleue à l’infini, une piscine dans laquelle viennent jouer les rayons du soleil, sans oublier les palmiers sagement alignés. Une fois sur place le rêve continue. Balades en 4X4 à travers l’île, restaurants à des prix symboliques, rien n’est trop beau pour les heureux gagnants.

Vient le jour de la fameuse séance d’information. Pris en charge par un vendeur quatre heures durant, M. B se laisse convaincre et achète une résidence en timeshare pour 70 000 francs, " avec une promesse de rachat de l’ordre de 106 000 francs trois ans plus tard. En fait, il s’agissait de financer une nouvelle tranche de travaux ". Passent les années. Après plusieurs lettres, et des coups de téléphone qui n’aboutissent pas, M. B se rend sur place en mai 1997. Le réveil est plutôt rude. L’appartement qu’il a acheté n’existe toujours pas, l’argent ayant en fait servi à des travaux d’entretien dans la résidence. Après un contact avec l’équipe dirigeante du Lanzarote beach club, il regagne Paris, avec la promesse d’un chèque d’ici quelques mois. Depuis, plus rien. Toutes ses démarches se heurtent à un mur de silence. Enfin presque, car M. B continue de recevoir des lettres lui réclament les charges annuelles, qui en 4 ans sont passés de 1 350 à 2 000 francs : " payables sous peine d’une majoration de 10 % précise la missive ". Avec d’autres personnes, M. B décidé de constituer l’Association de défense des victimes du Lanzarote beach club, et a fait appel à un avocat qui vient d’engager une action en justice. Dans le même temps il se rend chaque samedi à Roissy, au départ de l’avion en direction des Canaries, pour distribuer aux passagers des tracts les mettant en garde contre le timeshare. Une action qui lui a valu une interdiction de séjour au Lanzarote beach club, alors qu’il a payé régulièrement ses charges. Entre temps, la Royal financial service, la société chargée de commercialiser les appartements, a changé de nom et s’appelle désormais Shore Canarias.

" Le timeshare représente plus de 50 % des plaintes, en matière de conflits transfrontaliers ", estime Martine Benoit de l’Agence européenne d’information sur la consommation (AEIC), un organisme dépendant de l’Union européenne. Méthodes de vente particulièrement agressives, charges qui explosent en quelques années, le réveil est souvent rude pour des familles qui se retrouvent liées à une coûteuse semaine au soleil. Dans son édition d’août 1999, le magazine Que choisir de l’Union fédérale des consommateurs prend l’exemple d’une semaine achetée 50 000 francs aux Canaries : " Amortie sur quinze ans, elle vous revient environ 4 800 francs (3 300 francs + 1 500 francs de charges) par an. Une location d’une semaine, dans une résidence semblable au même endroit est facturée 2 500 francs. " Au bout du compte, le seul à faire une bonne affaire reste le promoteur, qui vend plusieurs fois le même appartement. " Avec le timeshare, c’est une carte de membre du plus grand club de vacances du monde que vous achetez. " L’argument asséné par les vendeurs de quoi séduire les globe-trotters potentiels. Dans les faits, les choses sont un peu plus compliquées. Tout le monde souhaitant aller au même endroit au même moment, les destinations les plus prisées, comme l’Autriche ou la Suisse l’hiver sont impossibles à obtenir, sauf à réserver deux ans à l’avance, un inconvénient que se gardent bien d’énoncer les vendeurs.

Pour protéger les consommateurs, une directive, transposée dans les législations des pays de l’Union européenne, prévoit notamment un délai de rétractation de dix jours, et l’interdiction pour le vendeur de percevoir de l’argent lors de la signature du contrat. Restent que ces efforts semblent bien insuffisants pour éliminer les canards boiteux. " De nombreux cas continuent de nous parvenir de gens n’ayant pu bénéficier de délai de réflexion, souligne Martine Benoit de l’AEIC. Quant aux sociétés qui commercialisent du timeshare, elles continuent couramment de demander de l’argent à leurs clients lors de la signature du contrat, le tout au mépris de la loi. " Réglementation européenne ou pas, toutes misent sur la difficulté pour un plaignant d’engager de longues et coûteuses procédures à l’étranger, d’autant que la plupart des entreprises qui gravitent dans le monde du timeshare ont leur siège social dans des paradis fiscaux du type Bahamas, Libéria ou l’île de Man. Et puis, la directive européenne s’appliquant sur des contrats de plus de trois ans, certains petits malins proposent des contrats de trois ans ou moins. D’autres ont jeté leur dévolu sur des pays extérieurs à l’Union européenne, comme le Maroc ou Andorre. " Jusqu’à présent, explique Jean-Christophe Yaèche, avocat, les plaintes pour abus restaient sans réponse. En novembre 1998 pourtant, le tribunal de grande instance de Montpellier a condamné un promoteur espagnol à rembourser leurs avances à deux familles de plaignants français. C’est une première. " Aujourd’hui, l’affaire est en appel de même qu’un autre jugement pour escroquerie, rendu en juin 1999 à Béziers à l’encontre de deux promoteurs espagnols.

" Nous nous battons pour écarter les mauvais vendeurs, plaide Gérard Ezavin, directeur général de RCI Europe, dans le cadre de l’Organisation du timeshare en Europe qui rassemble 1 500 professionnels ". Voire…

La scène se passe à Malte. Abordés devant la porte monumentale de Mdina, l’ancienne capitale baroque de l’île, Y et F sont conduits dans une résidence de tourisme, sous le prétexte de venir retirer le lot qu’ils viennent de gagner, " une semaine de vacances ". Pris en charge par un vendeur tout sourire, le couple se retrouve au milieu d’un flot de paroles et d’un tourbillon de décors de cartes postales, vantant les mérites des établissements affiliés à la bourse d’échange RCI. Bien évidement, le rêve a un prix : " 45 000 francs si vous achetez aujourd’hui, explique un responsable. Attention c’est une véritable opportunité. Vous faites un investissement sur vos vacances à venir. Voilà comment les choses vont se passer. Vous signez le contrat, vous nous versez 9 000 francs dans la semaine, et le reste dans un mois. On se retrouve dans deux jours pour d’éventuelles questions.

Et si entre-temps nous avons changé d’avis ?

" Ça, c’est pas possible. Quand on verse un acompte on ne peut pas revenir sur sa décision ", explique le responsable des ventes en se gardant bien d’expliquer que la législation maltaise ne comporte pas de délai de rétractation. Quant à la charte de bonne conduite, elle pointe dans le cas présent aux abonnés absents, même si le vendeur et son responsable n’ont eu de cesse durant l’entretien de se réclamer de RCI. " On peut trouver les méthodes d’accroche des clients contestables, reconnaît Gérard Ezavin de RCI Europe, mais il faut aussi comprendre que les promoteurs n’ont que peu de temps pour capter les clients ". Quant au non respect du code de bonne conduite et de la norme européenne, le responsable de RCI botte en touche : " Nous nous efforçons de corriger le tir. Malheureusement, cela prend du temps et il y a des dérapages. On ne peut pas contrôler 10 000 vendeurs. " Prudemment, la société prend d’ailleurs soin de rappeler dans sa documentation officielle : " RCI n’est ni promoteur, ni commercialisateur immobilier ". Cet angélisme ferait presque oublier que RCI, tout comme Interval l’autre grande bourse d’échange internationale, ne peuvent pas ne pas être au courant des nombreuses plaintes qui émanent de consommateurs mécontents. Seulement voilà, difficile de proposer une bourse d’échange alléchante, sans un choix important d’hébergements.

Mais il y a plus grave. " Il existe aussi un nouveau système, confirme Marine Benoit de l’AEIC, qui consiste pour un particulier à adhérer à un groupement de résidences de vacances. En clair on achète alors des points permettant de bénéficier de réductions sur l’achat de vacances. Nous ne sommes même pas sûrs qu’il s’agisse de timeshare. En moyenne, cela coûte 15 000 francs, mais là on n’achète franchement rien. " Du vent à la place des vacances, le soleil la mer et la plage ont parfois des airs de miroirs aux alouettes. Tristes tropiques en vérité.

Michel Clerget

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